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Charlie met en trois mots trois traits, ici comme ailleurs, ce qu'il en est de notre réalité. Dire qu'il devrait se contenter d'être seulement "satirique" est une habitude mentale restrictive.

Où est papa ? En morceaux. Dispersés. Ce n'est pas drôle. Surtout dit par Stromae dont le père fut mis en machette. De la machette à la manchette, c'est abominable.

Oui. Et ce n'est qu'un dessin ! C'est ce qu'ont fait les bombeurs et les coupeurs. Mais sans nous faire un dessin. En plein IRL, In Real Life ! C'est horrible.

Charlie nous fait ressentir, derrière ces écrans qui nous donnent l'illusion d'être protégés, Charlie nous oblige à percevoir, sans ménagement, en nous projetant au coeur de l'évènement, ce qu'ont ressenti les survivants, en voyant un proche éclaté, mort, morcelé. Il nous fait partager (quelques bouts de) leur douleur.

Le dessin de la réalité est insupportable, le film l'est davantage, le vivre l'est tellement infiniment plus que des gens en sont traumatisés et en font des cauchemars pendant des dizaines d'années. Nous, nous les oublions après quelques jours, et heureusement pour nous, notre coeur ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

Charlie le fixe là, ce cauchemar, et nous le rappelle pour longtemps. Il remplit son rôle "d'intellectuel" : il sort l'évènement du flux permanent. Il le formule, il le synthétise. Il en fait un objet de pensée, de réflexion, de discussion. La preuve.

Sans cela, comment pourrions-nous espérer que cela s'arrête un jour ? Cela cessera, dans longtemps, pas parce qu'il y aura eu plus de policiers, de militaires, de bombes, de marchands d'armes et d'uraniums enrichis, mais parce que nous aurons regardé, analysé, compris quelque chose à cette barbarie, et ses causes - qui datent de dizaines d'années, et davantage. Le pétrole est l'énergie fossile du terrorisme.

A ce dernier sujet, lire dans ce même numéro, l'édito de RIss, pas drôle du tout, qui montre la boule de neige du terrorisme et, indirectement, explicite cette couverture sans la citer.

Le premier but de Charlie n'a jamais été de faire rire mais de faire réfléchir. Rabelais déjà fit bien pire. Comme lui, Charlie nous montre les mon(s)tres quand ils veulent nous terrasser. Il aurait pu aussi montrer Léopold II, le roi belge du Congo, qui y faisait couper, à la machette, les mains des noirs cueilleurs trop lents.

Les salauds sont bien plus bêtes et méchants que Charlie Hebdo, mais de leur part, ce n'est pas pour notre bien. C'est eux qui nous mettent en morceaux, pas Charlie. Somme toute, être Charlie, c'est interroger : Humanité où t'es ?

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