Dans un pays oriental, vivaient un homme très riche et un homme très pauvre. Ils avaient chacun un fils.

L'homme très riche monta avec son fils sur le sommet d'une colline, lui montra d'un geste le paysage autour d'eux et lui dit : "Regarde. Un jour, tout cela sera à toi."

L'homme très pauvre monta avec son fils au sommet de la même colline, lui montra le même paysage et lui dit : "Regarde".


ballons__Malak_Abu_Shakra.jpg


Quand le rapport de l'individu aux histoires se rompt, pour quelle que raison physiologique ou psychologique que ce soit, le récit est brisé, l'histoire égarée, et la personne est projetée hors du cours de son temps, de sa vie. Elle ne sait plus rien, ni qui elle est, ni ce qu'elle doit faire. Elle s'accroche à quelques semblants d'existence.

Ce qui se dit d'un individu, peut-on le dire d'une société ? Certains le pensent. Ne plus pouvoir se raconter, s'identifier, se placer normalement dans le cours du temps et des choses, pourrait conduire des peuples entiers à s'effacer, coupés des autres et surtout d'eux-mêmes, faute d'une mémoire, de leur mémoire, constamment ravivée.


© Photo Malak Abu Shakra.
© JC Carrière, Le cercle des menteurs.