J'ai rencontré un garçon sympa par internet et il m'invite à prendre un pot. Ce sera la première fois que nous nous verrons dans la real life. S'il veut m'embrasser, dois-je accepter ou pas ?

Sophie

Chère Sophie,

Le plus simple serait que vous vous mettiez d'accord avec lui sur la procédure Duchmoll, en lui expliquant que vous êtes fan. Et c'est très facile, il vous suffit de convenir que lorsque vous vous direz bonjour, vous vous embrasserez directement sur la bouche avec la langue et même les deux.

Inutile de perdre votre temps en bonjours embarrassés en vous donnant la main ou, pire, des bisous insipides sur les joues. Allez tout de suite à l'essentiel. Bien sûr, en vous voyant mutuellement, vous serez nécessairement déçus, mais pas de panique, c'est absolument normal.

Pourquoi ? Parce que, sauf défaut techniques (piètre définition, surexposition...), toutes les photos ou webcams que vous aurez déjà échangées seront toujours plus belles que dans la real life. Même la cuisinière la plus chevronnée n'arrive pas à faire des plats aussi beaux que dans les livres de recettes.

A moins que les photos ne soient vraiment mensongères (un vieux barbu plutôt qu'un jeune poilu, une énorme blonde au lieu d'une mince rousse), cette déception ne viendra donc pas de vous ou de lui, mais du gouffre qui sépare l'image de la chose, l'imaginaire léger du corps de sa vérité animale et gravitationnelle. Personne n'est parfait, sauf avec Photoshop.

Or, ce moment inévitable de déception crée aussitôt la fameuse tension du Zut alors je me suis déjà fait b..., déjà mais sans plaisir. Dès lors, les conversations trébuchent, les silences grandissent, les gaffes se multiplient et chacun regarde sa montre à la dérobée en se disant P...! cet enfer est interminable.

Si, heureusement, grâce à votre grâce à tous deux, vous passez cet horrible passage à vide et parvenez sur la rive du charme et de l'insouciance, cette première expérience douloureuse risque de vous amener tous deux à vouloir éviter de répéter un aussi pénible vautrage angoissant.

Et s'il prenait quand même le risque de tenter un baiser, ce serait avec une anxiété qui minerait son désir et sa fermeté. Vous craindriez, non sans raison, un baiser mollasse, interminable et ennuyeux, vous refuseriez, vous le déstabiliseriez davantage, et tout serait remis à une prochaine rencontre qui aurait fort peu de chances de se produire.

Car les douches écossaises ne sont pas des plus stimulantes pour un petit amour naissant et tout fragile. Eh oui, même si vous ne lui donnez pas encore ce nom, à ce sentiment qui vous rapproche, il vous approche, son espoir est déjà son ombre. Or, arrosez vos plantes avec de l'eau froide puis de l'eau bouillante et plusieurs fois encore, vous verrez qu'elles disparaîtront rapidement.

En convenant d'adopter la méthode originale du Docteur Duchmoll dont vous lui aurez fait part - le plus simplement du monde en lui envoyant le lien vers ce billet - déjà cela vous fera sourire tous deux d'en convenir, un point positif, et même de vous le promettre, un deuxième point, et de vous engager au spray antimauvaise haleine, ce Docteur Duchmoll, il pense à tout, troisième point.

Puis cela vous amusera d'aller vers ce rendez-vous avec une telle perspective inédite, quatrième point. Puis cela vous fera rire de l'exécuter d'emblée, surtout sans le moindre état d'âme, cinquième. Puis vous serez fiers tous deux d'avoir osé et cela vous fera rire à nouveau, Bhein dis donc ! qu'est-ce que c'est original, sixième.

Puis, surtout, cela vous permettra d'engager une conversation nettement plus naturelle et détendue, car dégagée de vos appréhensions, peurs, blocages initiaux et réciproques.

S'il embrasse très mal, rappelez-vous que le baiser amoureux se fait toujours à deux, et recommencez pour vérifier ce qu'il en est, et encore au besoin, jusqu'à une conclusion définitive, positive ou négative (Désolée, c'est sympa, mais ça ne passe pas, je préfère qu'on arrête là.).

Il partagera probablement votre avis, et vous vous quitterez bons amis avec un souvenir rigolo, qui vous donnera peut-être envie de vous revoir quand même un jour bientôt en copains. Et quelle histoire, à la fois, paradoxe, téméraire et sans danger, à raconter à vos copines, (T'as osé ?!!)

S'il embrasse très bien, rappelez-vous que le baiser amoureux se fait toujours à deux, et recommencez autant de fois que possible pour en profiter au mieux tous les deux, c'est vraiment trop bon, pourquoi s'en priver.

Enfin, sachez que dans les deux cas, cette rencontre aura été enrichissante sur le plan physiologique car vous aurez échangé de précieux germes buccaux susceptibles de développer les défenses naturelles de votre organisme. Et la santé, c'est quand même le principal. Après l'amour.

De la sorte, vous serez les acteurs du nouveau mouvement, "Kiss me first." ou "Embrasse-moi d'abord." qui améliorera la santé publique, la mixité et le lien social, le fun duchmollesque et la beauté des paysages quand ils sont remplis de gens qui s'embrassent sur la bouche en se marrant, ce qui est quand même mieux que d'empiler les conversations plombantes et les fuites partagées sur le mode Quel connard ! Quelle pétasse ! Salut, à bientôt !

"Faites l'amour pas la guerre", disait-on autrefois, sauf que l'on a continué de donner des armes aux guerres sans en donner d'aussi fortes et directes aux hommes et aux femmes comme le sont pourtant ces merveilleux et savoureux baisers immédiats mais préparés et pourtant, nouveau paradoxe, spontanés et plein de fraîcheur.

Bien entendu, après cette audacieuse mais fort émouvante expérience de bouche à bouche sans le moindre rateau, je compte sur vous pour le bouche à oreille.

Votre dévoué taquin créatif,
Docteur Valentin Duchmoll.

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