076jardinMagritte.jpg samedi 6 septembre 2008

Je vis seule avec deux enfants de 2 et 6 ans et je suis sans logement depuis plus de sept mois. J'attends depuis quatre ans un logement social de la mairie de Paris qui ne semble jamais vouloir venir. J'ai dû quitter l'appartement que nous occupions en janvier dernier. Depuis, nous avons habité chez des amis et depuis huit jours je trimballe mes enfants de logements d'urgence en appartements de secours.

Cela fait plusieurs mois que je cherche un logement dans le parc locatif privé, sans succès. Je travaille dans une bibliothèque universitaire et je dois passer les concours de la fonction publique en mars 2009. Mais comme je suis mère célibataire et que je travaille à mi-temps, les propriétaires ne veulent pas prendre de risques.

J'ai décidé d'écrire chaque semaine où j'en suis, un petit journal de bord pour moi-même mais aussi pour que tout le monde comprenne ce que ça veut dire concrètement, d'être sans logement aujourd'hui à Paris.

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011memoclic.com.jpg dimanche 26 juillet 2009

(...)

Chaque jour j'attendais le courrier avec impatience, mais rien. Je n'arrivais pas à être tranquille, je voulais une confirmation officielle. Puis enfin il arriva. Il avait été envoyé il y a cinq jours déjà et il fallait que je le renvoie sous huit jours. C’était mercredi, je devais attendre le lendemain pour demander des certificats à l’école de Jules et à mon travail (et ces certificats tout bêtes, ça a été toute une odyssée pour les obtenir, je vous passe les détails...). Le lendemain matin, une dame de l’organisme m’appelait, ils attendaient mon dossier, il fallait que je me dépêche de le renvoyer. Ils avaient déjà reçu un dossier, il ne manquait plus que le mien et un autre… Car là m'attendait une nouvelle déconvenue : elle m'apprit que nous étions trois familles en lice pour l’appartement ! Je lui fis part de mon étonnement, mais elle me dit d'un ton désagréable que c’était la loi DALO qui voulait ça, qu’il y avait certes une liste de priorité mais qu’ils n’étaient pas tenus de la respecter. J’entendais tout à fait ce qu’elle me disait, mais d'un coup je me suis senti désemparée, tout d’un coup tous mes espoirs s’écroulaient.

Je rappelai alors l’adjoint au maire pour lui faire part des propos de l’agent, mais il me rassura. Malgré son optimisme, je ne pouvais m'empêcher de paniquer et j'ai passé plus de dix jours à angoisser. Je ne dormais plus, un mal de ventre ne me quittait plus. Le mercredi du jour de la commission, j’appelai dans l’après-midi pour connaître le résultat. Elle me dit sèchement qu’il fallait que j’attende le vendredi pour avoir la réponse. Mais le soir même, alors que je ne m’y attendais plus, l’adjoint m’appela pour me rassurer.

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J’ai eu les clés de l’appartement le 28 juillet. Le jour même, nous avons déménagé les affaires des trois lieux où elles étaient entreposées depuis janvier 2008 : une cave dans le 11ème, un garage dans le 18ème, et le salon de mes amis P. et C. Nous étions sept, alors en une grosse matinée, nous avons tout déménagé. J’étais complètement euphorique et tout s‘est déroulé dans la bonne humeur. Puis nous avons déjeuné tous ensemble dans l’appartement au milieu des cartons. Le temps que j’aille chercher des brochettes grillées avec Madiop et mon frère, mes amis avaient retrouvé la vaisselle et mis la table. Ils avaient aussi installé un peu partout de petits bibelots qui donnaient déjà de la vie à l'appartement et m'ont fait tout de suite sentir chez moi.

J’avais quatre jours devant moi avant de rejoindre les enfants dans le sud pour quinze jours de vacances. Mais pendant ces quelques jours, je n’ai quasiment rien fait. J’étais plantée là à contempler les cartons et je me disais "Tiens, il faut que je fasse ça", "Tiens il y aussi ça", mais je n'étais d’aucune efficacité… Je n'y dormais pas encore, je n’avais pas de frigo, pas de cuisinière, pas d’eau chaude, pas de rideaux… Mais surtout j’étais comme dans un rêve, je n’arrivais pas encore à y croire.

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(...)

Jules et Orphée sont arrivés avec leur grand-mère quelques jours avant la rentrée. J’étais impatiente de voir leurs têtes ! Je leur ai laissé deviner quel immeuble nous habitions, quel étage, quelle porte… Ils étaient super excités. Quand j’ai ouvert la porte, ils se sont précipités à l'intérieur et ont trouvé aussitôt leur chambre. C’était la seule pièce vraiment aménagée de toute la maison : il y avait là leurs nouveaux lits superposés qui faisaient tant rêver Jules, des rideaux aux fenêtres, des tapis de couleur... Et surtout leurs livres et leurs jouets, qui attendaient depuis un an et demi d'être sortis de la cave où ils dormaient.... Une vraie ambiance de chambre d’enfant comme ils n'en ont jamais eue, puisque pendant un an et demi nous avons habité chez les autres, et avant nous partagions la même chambre. C’était vraiment important pour moi que cette pièce soit prête à leur retour, je voulais qu’ils soient heureux en la découvrant. Et de fait, ils s'y sont plongés comme dans une caverne d'Ali Baba.

Au bout d’un long moment, Jules a pointé son nez dans la cuisine pour me demander où étaient les toilettes. Il s'est rendu compte qu'il ne connaissait pas encore les lieux. Alors avec son frère, ils ont joué à deviner où se trouvaient d'abord les toilettes, puis ma chambre, c'était comme un jeu de piste avec des "chaud !", "froid !", les enfants s'amusaient à ouvrir les placards et à retarder le moment où ils auraient tout vu (l'appartement est assez grand, mais on en a vite fait le tour !)

Puis, comme nous sommes dans un quartier à petits commerces, et aussi pour marquer cette nouvelle étape dans sa vie, j’ai proposé à Jules de descendre acheter du riz chez l'épicier, juste en face de chez nous. Il a sept ans, et c'était la première fois qu'il sortait tout seul dans la rue. Il avait un peu peur mais il était tellement fier ! On l'a accompagné depuis la fenêtre, il était très prudent pour traverser la rue et en sortant de la boutique, il nous a adressé un large sourire en brandissant le paquet de riz, il avait réussi sa mission.

(...)

Bien sûr je n'oublie pas tous ceux qui n'ont pas eu la chance que nous avons et qui restent sans logement. Il y a tellement de familles à Paris qui vivent dans des conditions déplorables, sans logement fixe, parfois depuis très longtemps, parfois presque sans revenus, ou sans papiers... Je voudrais que la mobilisation qui a fonctionné pour moi fonctionne aussi pour eux, il y a encore beaucoup à faire !

Ce post est probablement l'un des derniers... J'ai commencé ce blog pour raconter notre vie à Paris sans logement, il n'a plus de raison d'être maintenant que nous sommes arrivés à bon port. Je voudrais remercier une nouvelle fois toutes celles et tous ceux qui en ont suivi les hauts et les bas depuis plus d’un an, et en particulier ceux qui m'ont écrit et soutenu. Pour fêter ensemble la clôture du blog et l'heureuse résolution de notre aventure, je voudrais vous inviter à notre pendaison de crémaillère, le 10 octobre. Ecrivez-moi si vous pouvez venir, je vous donnerai toutes les coordonnées ! Je vous embrasse tous. Julie.

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