cher Docteur Duchmoll,

J'en ai marre, je vis seule mais je voudrais être aimée. Je ne suis pas laide, je ne suis pas pauvre, je ne suis pas malade. Que faire ? Dites-le moi, svp.

Séverine,
Paris 13


Chère Séverine de Paris,

Votre désarroi me touche, qui doit être celui d'environ quinze millions de personnes vivant seules, Français ou Honorables Etrangers ou Etrangers non encore honorés malgré leur amour de la France - et en les bafouant eux, c'est lui, donc elle que l'on piétine technocratiquement sans répit avec la componction des imbéciles sûrs de leur bon droit qu'ils n'ont pourtant jamais mérité.

Et votre question, de plus, tombe à pic, compte-tenu d'une autre question à laquelle j'étais en train de réfléchir, et qui attendra donc un peu, puisque la vôtre la recoupe, en quelque sorte.

Comment faire pour être aimé ?! Voilà bien ce que se demandent nombre de personnes, et pas seulement des solitaires stricto sensu, mais aussi, il suffit d'observer un peu la vie, bien des gens qui semblent pourtant bien entourés.

Remontons à quelque deux mille ans en arrière. Je pense que la face de l'Occident, donc du monde, eût été bien changée si le Christ n'avait pas dit (dit-on) "Aimez-vous les uns les autres". Eh oui, il lui aurait suffit de dire : "Laissez-vous aimez les uns les autres", et la vie aurait été bien plus douce. Pourquoi ? Parce que ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'aimer (d'où le rapport avec nos enfants, sur lequel je reviendrai dans un autre billet). Aimer, il n'y a pas de problème, nous en savons assez à ce sujet, et nous avons chacun nos modèles, parfois fort différents, en la matière.

Le problème, c'est quand nous voulons que nos modèles-pour-aimer s'appliquent strictement à la manière dont nous pensons, dès lors, que les autres devraient nous aimer. Nous avons envie d'aimer, nous savons aimer ; alors nous prétendons savoir aussi comment les autres doivent nous aimer. Et nous ne les laissons pas nous aimer à leur manière, et, dégoûtés, ils s'en vont.

L'autre problème, dans ce registre, c'est que nous nous aimons souvent si peu, ou si mal, nous-mêmes que nous ne comprenons pas comment quelqu'un d'autre pourrait nous aimer. Et nous voulons absolument le lui interdire, pour ne pas qu'il découvre en nous tout ce que nous n'aimons pas.

Ainsi, le monde christianisé court sans cesse après des gens à aimer qui refusent d'être aimés, d'être aimés autrement qu'ils le pensent et en-dehors des limites précises qu'ils fixent aux autres (pour cacher leur si effroyables vilainies, n'est-ce pas ?) Et ils se plaignent de ne pas êtres aimés... N'est-ce pas délicieusement absurde ?

Vous voyez que c'est bien plus simple ; il vous suffit de suivre ces trois recommandations :
- aimez qui vous voulez, quand vous voulez, comme vous voulez ;
- convainquez cette personne de se laisser aimer (facile : imprimez ce billet et donnez-le lui)
- laissez vous aimer partout et en tous lieux et comme l'on voudra, pourvu, bien sûr, que cet amour vous respecte.

Appliquez cela chaque jour à chaque personne ; ne craignez pas de commencer modestement, et bientôt, l'amour vous sourira, mais aussi votre pharmacien à qui vous achèterez bien davantage de préservatifs (avec du gel à l'eau, exclusivement).

Votre dévoué, Docteur Duchmoll.